Même si ce n’est pas encore terminé, on aura appris de cette crise qui dure depuis deux ans. D’une crise, il faut apprendre, dit-on souvent. Changer, modifier, revoir les choses, repenser, il est encore trop tôt pour évaluer les résultats sur un temps long. Surtout que le long nous apparaît un vague mirage tellement le court est aujourd’hui la norme.
La science est importante. Mais on a cette impression qu’elle est devenue une béquille bien pratique sur laquelle s’appuyer. Elle n’est pas parfaite, se contredit parfois, a des limites et ouvre toujours vers de nouvelles questions. Le recours fréquent à la science a démontré la limite des politiciens à argumenter sur des bases solides autres que scientifiques. Le manque de profondeur est souvent criant. D’ailleurs, où sont les autres disciplines ? Pourquoi nos « nouvelles vedettes » ne sont que des médecins ? Pourtant, la crise a touché tout le monde sur des aspects variés. La crise m’apparaît d’abord comme une crise sociale. Les médecins jouent un rôle important, à n’en pas douter, mais cet aspect social devrait aussi interpeller des spécialistes des sciences humaines et sociales. C’est vrai qu’on se moque d’elles à l’occasion. Mais l’histoire démontre que leur rôle a été primordial dans l’avancement des connaissances sur l’être humain, nos sociétés, notre pensée. La compréhension d’une telle crise ne peut être que médicale. L’humanisme a souvent semblé faire défaut. Cette doctrine philosophique qui place la personne humaine et son développement au-dessus de toute autre valeur.
Les universitaires ont-ils manqué de courage depuis mars 2020 ? S’ils abdiquent leur rôle d’intellectuel, qui le sera ? En 2005, le cinéaste Pierre Falardeau et le chroniqueur Pierre Foglia échangeaient dans une émission de Radio-Canada. Foglia y allait d’une déclaration forte en affirmant que pour lui, un intellectuel se doit d’être universitaire. Que dirait-il aujourd’hui ? Des administrations auraient interdit à leurs professeurs de se prononcer ou même de discuter des mesures sanitaires. L’effort de faire taire est aussi venu d’autres organisations comme un ordre professionnel et un média. On pourra arguer toutes sortes de raisons, l’appel à la responsabilité, à la rigueur, au respect de la science, n’empêche que l’effet est le même : des individus ont été muselés pour s’être exprimés. Ceci montre à quel point des organisations sont atteintes par une grande frilosité. Pour protéger sa réputation, on fait taire. Depuis toujours, la liberté de pensée est mise à mal. Socrate, Copernic, Rosa Luxembourg et Diderot, entre autres, ont connu le sort réservé à ceux qui s’expriment. Au 18e siècle, Voltaire parlait de l’infâme nommant ainsi tout ce qui nuit à la tolérance. En 2022, l’infâme est cette pandémie, sorte de religion qui enfume notre pensée et prescrit tout ce que nous faisons. Des politiciens ont montré qu’on peut insulter, tenter de coincer une minorité de citoyens et qu’une majorité approuve souvent. Il faudra bien s’extirper de cet enfumage.
Il est évident que nous prenons la démocratie comme une chose acquise. On a pu constater que plus rien ne tient dans une telle pandémie. La preuve la plus flagrante est cette interdiction pour un groupe de citoyens d’entrer dans nos parlements. À Ottawa, cette interdiction a même été imposée à certains députés. Les premiers ministres devraient être les garants des principes démocratiques. Ces principes devraient être au-dessus de tout. Mais je suis sans doute trop idéaliste. Le sanitaire est devenu comme un voile recouvrant toutes nos actions, toutes nos pensées. On ne peut plus agir sans lui. Machiavel disait que l’important est de conserver le pouvoir, nul doute que le gouvernement québécois a bien compris la leçon en étirant à la corde le recours à la loi sur la santé publique et en gouvernant seul. Cette loi permet beaucoup de choses comme celle qui autorise un juge à forcer la vaccination d’un « récalcitrant» comme le mentionne l’article 126 : « Le juge peut en outre, s’il a des motifs sérieux de croire que cette personne ne s’y soumettra pas et qu’il est d’avis que la protection de la santé publique le justifie, ordonner que cette personne soit conduite à un endroit précis pour y être vaccinée ». Ceci si nous devions en arriver à une vaccination obligatoire.
Le premier ministre Legault a dit, et on a pu le constater, que les règles sanitaires ont été plus strictes et sévères ici. Oui, au Québec, les autorités peuvent contraindre, sévèrement, tout en maintenant un taux d’approbation élevé. Toute la population a largement payé pour des décennies de mauvaises décisions liées au système de santé.
« Ne faut-il que délibérer, la cour en conseillers foisonne ; Est-il besoin d’exécuter, l’on ne rencontre plus personne », disait Jean de La Fontaine.